Monsieur Susumu Taniguchi, ancien rédacteur du journal Yomiuri a été décoré de la médaille commémorative à l’occasion du 50 ème anniversaire du déclenchement de la lutte armée par le gouvernement algérien en reconnaissance à toutes ses actes de collaboration au moment de l’insatallation au Japon du bureau d’extrême–orient de la délégation du FLN.
La remise de la médaille a eu lieu a l’Ambassade d’ Algérie à Tokyo, en présence de nombreux invités et amis de l’Algérie. Son Excellence Monsieur Amar Bendjama lui a remis la médaille au nom de la République Algérienne Démocratique et Populaire.
Monsieur Susumu Taniguchi a exprimé ses remerciements par un discours dont nous reproduisons ci- dessous le texte.
“ Je suis un simple journaliste-enseignant dans la vie, ni spécialiste ni chercheur des questions algériennes. Ce fut pour moi une véritable surprise et un grand honneur que de recevoir ce prix de reconnaissance à l’occasion du 50 ème anniversaire du déclenchement de la lutte armée. D’autres personnes que moi auraient davantage méritée ce prix décerné à des personnes ayant aidé l’Algérie, aux moments difficiles de la révolution. Parmi les hommes qui ont entrepris des activités de soutien et de solidarité à la cause des luttes pour l’indépendence des pays de l’Asie et de l’Afrique, je pourrais citer des hommes politiques comme Messieurs Tokutaro Kitamura, Tokuma Utsunomiya et Tokusaburo Dan, ce dernier ayant été le secrétaire général du Comité de Solidarité pour l’Asie et l’Afrique. Mais bien malheureusement, ces personnes sont décédées. Je pense que si cette distinction m’est venu, c’est parce qu’étant universitaire, j’avais aidé les étudiants algériens qui sont venus au Japon et avais collaboré lors de l’établissement au Japon du bureau d’extrême- orient du Front de Libération Nationale Algérien. Je suis très touché par ce signe de reconnaissance et de gratitude.
Tokyo, le 27 avril 2005
Monsieur l’Ambassadeur, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Directeur Général, Mesdames et Messieurs.
C’est avec une grande émotion que je voudrais ici, exprimer tous mes remerciements et ma gratitude pour cette décoration qui vient couronner, de façon inattendue, la longue histoire d’amitié qui me lie à l’Algérie.
Que le temps passe vite ! Il y a presqu’un demi-siècle, plus exactement 48 ans, que j’ai rencontré deux étudiants algériens à Tokyo lors de la Conférence annuelle de ZENGAKUREN (Union nationale des syndicats autonomes des étudiants japonais) au début juin 1957: ils s’appelaient Choaïb Taleb et Moustapha Négadi, deux représentants de l’UGEMA ( Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens) qui sont venus au Japon à l’invitation de ZENGAUKUREN, pour plaider la cause de la guerrre d’indépendance de l’Algérie.
Je n’avais que 21 ans alors et étais en troisième année de la Faculté de la langue française de l’Université de Tokyo des Etudes Internationales. Le secrétariat de ZENGAKUREN cherchait des étudiants qui pourraient être interprètes gratuits de la langue française., puisqu’elle n’avait pas assez d’argent pour payer des interprètes professionnels! Quelle chance pour moi !
Pendant une douzaine de jours, mon camarade de classe, et moi, les avons accompagnés partout, soit pour donner des conférences soit pour visiter des sièges de différentes organsations et de parties politiques.
A cette époque, le public japonais n’était pas du tout averti de la gravité de la situation réelle en Algérie. Aux yeux des francophiles japonais, l’Algérie signifiait “l’Etranger” d’Albert Camus ou le film français de l’avant- guerre ” Pepe le Moko”. Les deux étudiants algériens ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire pour alerter l’opinion publique japonaise. Pendant ce temps-là j’étais toujours à coté d’eux. Je me rapelle encore que nous avons entonné ensemble “Quassaman”, c’est-a- dire “le serment”qui est devenu l’hymne national algérien, pour la première fois au Japon devant les étudiants japonais!
Très impressionné par leur zèle patriotique, je me suis décidé tout de suite d’étudier le problème algérien à fond; j’ai commencé à écrire des essais politiques ainsi que des articles dans le journal estudiantin et dans les annales de l’université. J’ai choisi. comme sujet de mon mémoire de licence,” l’aperçu historique de la guerre d’Algérie”
Dès le printemps 1958, j’ai eu la chance de collaborer à l’établissement de la délégation du FLN en Extêrme-Orient à Tokyo, à la demande du Comité japonais de solidarité afro-asiatique et de Monsieur Abdelrahmane Kiouane, délégué du FLN qui se trouvait déjà à Tokyo pour la mission. Monsieur Abdel Malek Benhabyles est arrivé plus tard. Je les ai aidé à donner des interviews aux media japonais et à aller voir des hommes politiques. On a préparé la publication du premier numéro du bulletin d’information “Algeria News” en japonais et en français( daté du 25 septembre 1958). Pour ce travail, on avait besoin d’une dactylo qui savait taper le texte français et avait une machine à écrire au clavier français et j’ai prié une étudiante de l’université de Waseda qui préparait alors son mémoire de maîtrise; elle est présente ici ce soir, c’est mon épouse Masako.
En 1959, à la sorite de l’université, je suis entré au journal japonais YOMIURI SHINBUN; j’ai essayé d’aider la délégation pendant quelque temps, mais le métier du journalisme m’a obligé d’y renoncer. En apprenant l’accord d’Evian et l’indépendance de l’Algérie, j’ai éprouvé de la grande joie.
En 1968, j’ai ét envoyé à Paris comme envoyé spécial du journal et j’ai eu l’occasion d’observer l’Alégrie de près. En février 1970, je suis allé à Beyrouth au Liban pour faire une enquête sur les différentes organisations palestiniennes et là-bas, j’ai retrouvé mon ami Choaïb Taleb qui était devenu l’ambassadeur d’Algérie au Liban. Il a eu la gentillesse de me présenter à toutes les organisations palestiniennes, avec cette recommendation: “C’est un ami de l’Algérie”. Ce mot clé était un passe-partout; toutes les portes palestiniennes se sont ouvertes devant moi!
Au début de l’année 1971, je suis allé à Alger pour la première fois, pour écrire une série d’articles sur les différentes organisations de libération nationale qui avaient leur bureau installé à Alger, sous le titre : “Alger, le sanctuaire des mouvements de libération nationale du monde”. A Alger, j’ai retrouvé Monsieur Kiouane qui était nommé au poste du directeur général de la Fonction Publique.
En septembre 1973, je suis allé à Alger pour couvrir le sommet des pays non-alignés et j’ai eu l’occasion de retrouver Messieurs Choaïb Taleb et Abdel Malek Benhabyles. Au printemps, 1975, je suis revenue à Alger pour couvrir la visite officille du président de la République française, Monsieur Valéry Giscard d’Estaing.
En octobre 1980, j’ai été un des premiers journalistes japonais qui sont allés à Al Asnam en Algérie pour couvrir l’état des dégats causés par le tremblement de terre.
En décembre 2004, j’ai eu l’occasion de rencontrer le président de la République algérienne, Monsieur Abdelaziz Bouteflika qui était en visite officielle au Japon et je lui ai expliqué comment la solidarité estudiantine avait été établie entre les étudiants japonais et algériens dès 1957.
J’avous qu’il y avait une période où j’ai observé les vicissitudes expérimentées par l’Algérie avec angoisse. Mais comme le Président Bouteflika avait déclaré à la conférence qu’il a donné à l’Université des Nations Unies, l’Algérie est aujourd’hui sortie de la tourmante et elle a pu s’engager dans une vaste enterprise de renouveau national et j’en félicite.
Monsieur l’Ambassadeur,
Voilà la longue histoire d’amitié et de solidarité qui me lie à l’Algérie.
Merci de votre attention.
Susumu Taniguchi Né en 1936 à Changchunen, Chine. |