C'est un agreable devoir pour moi de livrer au journal du Centre Japon-Algerie mes impressions de voyage au " pays du soleil levant " et reveler les coups de coeur d'un visiteur venu du lointain Maghreb, qui signifie en langue arabe le soleil couchant.
Je retiens de ma visite au Japon, durant dix jours (du 9 au 19 juillet 2001), le souvenir emu d'un sejour plein d'enseignements grace au riche programme organise par le ministere des affaires etrangeres.
J'ai, en effet, beneficie d'une genereuse hospitalite et d'un accueil chaleureux qui m'ont permis d'apprecier la disponibilite souriante de tous les responsables que j'ai rencontres. Qu'ils trouvent ici l'expression de ma profonde reconnaissance. Ils ne m'ont menage ni leur temps precieux, ni les informations qui m'ont beaucoup appris sur le Japon et sur les progres realises par son peuple.
Un peuple qui a su, a force de courage, de perseverance, de travail acharne, panser ses blessures et surmonter les vicissitudes de la derniere guerre mondiale.
C'est d'abord Tokyo qui a inaugure le cycle de mon depaysement avec son organisation urbaine, son activite debordante de jour comme de nuit, la conduite a gauche, la hardiesse de son architecture illustree par le siege du gouvernement metropolitain concu par le genial Kenzo TANGE ; mais aussi un paysage familier : le linge etendu sur les fenetres et balcons.
Tokyo se presente comme une capitale digne d'un grand pays qui a poursuivi la longue marche de sa modernisation amorcee au XIX siecle avec la restauration de Meiji et qui a reussi a s'assurer les moyens de relever les defis du XXI siecle ; sans pour autant perdre son ame. Celle-ci est presente a travers la politesse exquise et spontanee de tous, la cuisine raffinee, le theatre traditionnel du No et du Kabuki.
J'ai pu visiter le theatre du No a Nagoya et assister a une representation du Kabuki a Tokyo. Cette ame s'exprime egalement a travers le prestige des lieux de culte. Ici le genie createur de l'homme, inspire de la spiritualite du Bouddhisme et du Shintoisme et anime du sens de l'ethnique et de l'esthetique, a produit de purs chefs-d'oeuvre a l'exemple du temple Horyuji, erige au VI e siecle et classe par l'UNESCO patrimoine de l'humanite.
J'ai eu le privilege de visiter ce monument prestigieux et d'admirer la beaute des statues de Bouddhas ainsi que la richesse des objets exposes dans la galerie. Ces pieces rares representent un tresor historique inestimable. J'ai egalement visite a Nara, le temple du Todaiji erige deux siecles plus tard et representant par ses grandes proportions, un exploit architectural remarquable pour l'epoque.
Aussi remarquable m'a paru le chateau de Nagoya orne a son sommet par deux magnifiques dauphins dores, signes de la richesse des seigneurs de la guerre de la periode feodale.
Kyoto, epargnee par les destructions de la guerre, a conserve le charme de l'urbanisme traditionnel japonais et totalise pas moins de 20% des tresors nationaux du pays. elle est, de plus, erigee en centre national de ceremonie du the et d'arrangement floral. La visite que j'ai effectuee a la villa imperiale de Katsura m'a convaincu que cette distinction est amplement meritee, compte tenu du nombre des lieux reserves a la ceremonie du the et du charme de l'espace vert magnifiquement amenage. Il offre, en effet, le spectacle paradisiaque du jardin japonais ; un melange subtile de raffinement et de fantaisie ou l'ordonnancement des arbustes, des plantes, des talus, des roches, des ponts et des plans d'eau offrent au regard emerveille, une belle symphonie de la nature.
Autant de temoignages eloquents de la richesse du patrimoine culturel japonais. Ce patrimoine est d'ailleurs soigneusement conserve dans les nombreux musees du pays.
Le musee ethnologique d'Osaka que j'ai eu le grand plaisir de visiter est, me semble-t-il, l'un des plus remarquables par l'utilisation judicieuse de la technologie audiovisuelle. Il transcende l'insularite du pays en exposant des objets de differentes cultures du monde, marquant ainsi une louable volonte d'ouverture sur l'universalite.
J'ai eu, a cette occasion a deplorer l'absence de l'Algerie dans les espaces d'exposition. Car le musee ne detient que six objets de ce pays. Il y a lieu de combler une telle lacune en sensibilisant les responsables algeriens sur le sujet et en suscitant une fructueuse cooperation avec le musee du Bardo et celui des arts et traditions populaires d'Alger.
Une telle cooperation peut egalement etre envisagee avec l'institut de restauration du musee national d'histoire naturelle de Kyoto dont j'ai pu apprecier le professionnalisme et la competence des techniciens charges des travaux de restauration. J'ai pu, notamment, mesurer la portee de l'une des vertus du peuple japonais, a savoir du sens de travail et du travail bien fait.
L'autre vertu est celle de la ponctualite. La maitrise du temps etant le gage de la maitrise de son propre destin, le Japon me semble avoir reussi ce gage. Ma visite a Tsukuba et plus particulierement au centre de recherches spatiale (NASDA) et au laboratoire national d'energie (KEK) m'a confirme cette appreciation. Elle m'a permis egalement d'entrevoir les multiples possibilites offertes a une cooperation scientifique de haut niveau entre le Japon et l'Algerie, ouvrant acces aux avancees de la connaissance humaine et de l'innovation technologique.
En effet, le Japon se situe dans le peloton de tete des " societes de la connaissance " qui impulsent l'acceleration de l'histoire a l'aube du troisieme millenaire. Les discussions que j'ai eues avec les responsables japonais, tant au ministere des affaires etrangeres qu'au ministere de l'education, ont revele que la preoccupation du pays est de se preparer a etre au rendez-vous du nouveau siecle dont l'enjeu prioritaire est celui de la connaissance et du savoir.
L'importance accordee au dossier de la reforme du systeme educatif entre dans le cadre de cette preoccupation. Ce dossier est egalement a l'ordre du jour en Algerie. Un echange de points de vue sur ce sujet ne peut etre que benefique d'autant plus que la volonte de relever le niveau professionnel des enseignants et celle d'accorder un interet particulier a l'enseignement primaire sont partagees de part et d'autre.
L'experience japonaise dans le domaine des emissions educatives a la television merite d'etre examinee en Algerie. J'ai eu personnellement a apprecier les efforts meritoires deployes dans ce domaine par NHK dont j'ai visite le siege. J'ai meme eu le plaisir d'enregistrer un message a l'emission en langue arabe de NHK world radio Japan. Cette importante station permet au Japon de s'ouvrir au monde.
Cette volonte d'ouverture se retrouve au niveau de l'enseignement superieur, dont la reforme a inscrit parmi ses objectifs de situer cet enseignement au niveau du standard international afin de permettre aux cadres formes d'etre competitifs aussi bien a l'interieur qu'a l'exterieur du Japon.
La recherche de l'excellence et la selection rigoureuse imposee le long du cursus universitaire ont induit un probleme qui preoccupe les autorites japonaises ; c'est celui du nombre limite des etudiants par rapport aux places pedagogiques disponibles dans les nombreuses universites en majorite privees. C'est le probleme inverse auquel sont confrontees les universites algeriennes dont les structures ont des difficultes a accueillir le flot de plus en plus croissant des etudiants.
La cooperation entre le Japon et l'Algerie dans le domaine universitaire peut etre envisagee, en premier lieu, par l'echange d'informations et l'organisation des contacts entre recteurs qui pourront definir les modalites d'accueil mutuel des chercheurs, voire meme des etudiants a un stade ulterieur. De telles actions me semblent tout a fait realisables, compte tenu de l'interet suscite par l'Algerie aupres de mes nombreux interlocuteurs.
Je l'ai notamment constate lors de la ceremonie organisee par l'association d'amitie Algero-Japonaise et qui a attire une nombreuse assistance et lors du debat anime a l'issue de mon expose de presentation de mon ouvrage traitant de la politique africaine de l'Algerie a l'institut du Proche et Moyen-Orient.
La ville de Nagoya, qui va accueillir en 2005 l'exposition universelle, vient de designer pour l'annee 2001 l'Algerie comme pays d'honneur et nomme madame Ramdani Zahira ambassadrice d'honneur. c'est la une opportunite pour faire connaitre l'Algerie au large public de Nagoya.
L'on a jusqu'a present tendance a cantonner la cooperation algero-nippone aux relations economiques. Mais cette cooperation peut me semble-t-il gagner en profondeur en s'etendant aux domaines culturel et scientifique qui sont les plus a meme de tisser des liens humains durables et de rapprocher les distances entre les deux pays.
Il suffit ; a cet egard, de mettre en relation des conservateurs de musee, des artistes, des universitaires, des chercheurs cbref tous ceux qui peuvent donner a cette cooperation un supplement d'ame en la situant au niveau de la creativite artistique et des progres de la pensee et en favorisant un salutaire et un enrichissant dialogue des cultures.
Sayonara.